De la superfamille des Coccoidea, les insectes à teintures rouges sont présents en Europe, Afrique, Asie ou Amériques. Ce sont des insectes parasites sur des plantes différentes selon les espèces. Aucun d’eux ne dépasse 1cm de diamètre.
Ces insectes tinctoriaux sont connus depuis le néolithique en Provence et l’un des Textes Sacré en Inde le Atharva Veda (-1000 av. JC environ) en parle comme “l’insecte à laque”.
Puisqu’ils dégagent un suc rouge, ces insectes ont été souvent liés à l’hémoglobine, à la préparation des médicaments pour le sang et des Humeurs, etc.
Selon l’espèce de l’insecte il peut y avoir différents composants chimiques produisant du rouge :
- Acide carminique est le colorant présent dans les cochenilles des cactus, les cochenilles de Pologne, d’Arménie et autre insectes « porphyrophora ».
- Acide kermésique est le colorant des kermès des teinturiers
- Acide flavokermésique appelé aussi acide laccaïque est trouvable quant à lui dans la cochenille à laque rouge (Inde…)
Le kermès des teinturiers
Le kermès des teinturiers vit exclusivement sur le chêne kermès, sinon ils ne se reproduisent pas. La zone de production du cramoisi à base de kermès est donc une région comme le bassin méditerranéen occidental, l’ouest de la Provence, le Languedoc, le Roussillon, la Corse, aux Baléares, Espagne, Portugal, Maroc, Algérie ainsi qu’en Croatie, Grèce, Crète, Turquie, au Liban, Israël).
On ne peut pas élever cet insecte à l’inverse de la cochenille à cactus mais on a des traces qui attestent qu’en Espagne à la fin du Moyen Âge, il y avait une gestion à long terme des « garrigues à kermès » (une végétation broussailleuse où pouvait être le chêne kermès). Les municipalités employaient des gardes à cheval pour repérer chaque année les lieux où la récolte serait le plus abondante, surveiller l’évolution des insectes ET empêcher quiconque de pénétrer dans le terrain avant l’ouverture officielle de la cueillette. “el rompimiento de la grana”.
Le kermès a plusieurs stades de développement dans sa vie : il y a deux générations d’insecte par an (fin du printemps-début été puis mi-septembre), ce phénomène est surtout dans le sud de la France, il est attesté par des textes dans le Languedoc.
Les larves se dispersent sur le chêne hôte et se nourrissent jusqu’à trouver une place où rester immobile (elles s’implantent dans le chêne).
Les femelles atteignent le stade deux en hiver et se nourrissent de la sève de l’arbre ; fin avril les femelles ont atteint la taille adulte et les mâles sortent de leur cocon (ils sont toujours au stade 1 dans leur cocon) pour la reproduction (ils passent au stade 2).
Les femelles pondent 6500 œufs dans un organe spécial – une chambre d’incubation. Puis elles meurent mais leurs œufs continuent de se développer grâce à leurs corps desséchés mais toujours accrochés à l’arbre jusqu’à l’éclosion mi-mai environ.
La méthode traditionnelle pour obtenir le colorant est de récolter l’insecte au stade où (vivante ou morte) la femelle est pleine d’œufs non-éclos. C’est là qu’on obtient le maximum de colorant (selon les estimations de D. CARDON: 5kg d’insectes donnent 50grammes de couleur et il faut entre 60 à 80 individus pour obtenir 1gramme de colorant).
La méthode de cueillette connue dans le sud de la France dès le moyen âge consiste à détacher une à une les femelles pleines d’œufs avec les ongles tout en faisant attention aux aiguilles du chêne. Au XVIIIème il y a un texte qui décrit une cueillette “de grand matin” pour que la rosée amollisse les épines et aiguilles de l’arbre ; les femmes et enfants cueilleurs de kermès sont reconnaissables car ils se laissent pousser les ongles très longs pour attraper plus facilement les insectes.
Pour empêcher que les œufs éclosent, il faut faire sécher au soleil les insectes femelles, elles gagnent alors un aspect de baies / graines rouges : appelées « les granas » (appellation commerciale) qui sont vendus pour faire du colorant.
Au XVIème s. en Languedoc et en Espagne, une nouvelle étape de production apparaît: on sépare les corps des mères de la masse des œufs, c’est un travail très délicat fait par des enfants. La « pulpe » (les œufs) est mise avec du vinaigre dans une cuve au soleil quelques jours jusqu’à ce que le mélange sèche est devient une pâte appelée « Pastel d’écarlate » ; les « coques » sont immergés dans des tonneaux de vinaigre puis égouttés et séchés avant d’être vendu.