La fabrication de l’encre selon Nicolas Lémery (1645-1715)

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Nicolas Lémery, Traité universel des drogues simples, Paris, Laurent d’Houry, 1732.

Exemplaire de la Bibliothèque municipale de Lyon, numérisé par Google Books.

Médecin, pharmacien, Nicolas Lémery est issu d’une famille protestante. Il est formé d’abord par son oncle, le pharmacien Pierre Duchemin avant de poursuivre ses études à Montpellier. De retour à Paris, il devient un spécialiste des poisons. La persécution de l’édit de Nantes le conduit en Angleterre, puis à revenir en France. Il est docteur en médecine en 1683. Son retour en France, selon l’article de son biographe, Paul Dorveaux, ne suffit pas à lui garantir les conditions d’une pratique sereine de la pharmacie. Il a vendu sa charge et ne peut donc plus pratiquer les cours de chimie qu’il dispensait précédemment. Il abjure alors, revient au catholicisme et retrouve alors la protection du roi de France.

Paul Dorveaux signale que le contrat d’apprentissage de Nicolas Lémery a été redécouvert par aux archives départementales de la Seine maritime. Son contrat de mariage, en présence de Bernardin Martin, apothicaire ordinaire du prince de Condé, et du médecin Grimandet apparaît dans les insinuations du Châtelet en date du 11 janvier 1676.

Eléments de bibliographie

Oeuvres de Nicolas Lémery

Le cours de chimie, très fréquemment réimprimé est l’une des oeuvres principales de Nicolas Lémery : la liste des éditions successives du texte ici présentée n’est pas exhaustive : – LÉMERY, Nicolas, Cours de chymie, contenant la maniere de faire les operations qui sont en usage dans la medecine, à Paris, chez l’autheur, 1675.   Rééditions : Paris, J. Langlois, 1677; Paris, chez l’autheur, 1679; Paris, chez l’autheur, 1681; Paris, chez Estienne Michallet, 1690; Paris, Chez Estienne Michallet, 1693; Paris,  Estienne Michallet, 1696; Paris, Jean-Baptiste Delespine, 1701; Lyons, J. Guerrier, 1703; Lyon, Chez Léonard de la Roche, 1713; Lyon, chez Léonard de La Roche, ruë Merciere à l’Occasion, 1724; Paris, chez Jean-Baptiste Delespine, imprimeur-libraire ordinaire du roy, ruë saint Jacques, à saint Paul. 1730; Bruxelles, Jean Leonard, 1744; Paris, Jean-Thomas Herissant, 1756;   – Dictionnaire, ou Traité universel des drogues simples, Aux dépends de la Compagnie, 1716. Rééditions : Rotterdam, J. Hofhout, 1727; Paris, Imprimerie de la veuve d’Houry, 1733; Paris, chez d’Houry, 1760.   Orientation bibliographique sur la vie et l’oeuvre de Nicolas Lémery   ANNE BOYER, « Les relations éditoriales entre Nicolas Lémery et les d’Houry (1649-1790) », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 103 / 391, janvier 2016, p. 371-371‑374. BERNARD JOLY, « À propos d’une querelle concernant la production artificielle du fer. Les divergences entre Nicolas Lémery et son fils Louis », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 103 / 391, janvier 2016, p. 375-375‑384. BOURZAT, Jean-Dominique, « Inventaire après décès de Nicolas Lemery », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 99 / 375, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2012, p. 369‑374. BOURZAT, Jean-Dominique, « La correspondance de Nicolas Lemery », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 100 / 380, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2013, p. 319‑326. BOUVET, Maurice, « Les laboratoires parisiens de Nicolas Lémery », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 38 / 126, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 1950, p. 24‑30. BOUVET, Maurice, « Nicolas Lémery n’a pas été emprisonné ou de la difficulté d’éviter certaines erreurs historiques », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 35 / 118, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 1947, p. 204‑205. BOUVET, Maurice, « Quelques documents intéressant Charas, Lémery, Clérambourg et Parmentier », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 26 / 104, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 1938, p. 449‑452. BOUVET, Maurice et DAUPHIN, Jean, « Les successeurs de Nicolas Lémery comme titulaires de l’officine qu’il illustra à Paris, rue St-André-des-Arcs », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 41 / 136, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 1953, p. 29‑35. CATELLANI, Patrizia, CONSOLE, Renzo et BONNEMAIN, Bruno, « Nicolas Lémery et ses fils Louis et Jacques à l’académie royale des sciences (1re partie) », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 97 / 368, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2010, p. 447‑466. CATELLANI, Patrizia, CONSOLE, Renzo et BONNEMAIN, Bruno, « Nicolas Lémery et ses fils Louis et Jacques à l’Académie royale des sciences (2e partie) », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 98 / 371, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2011, p. 351‑370. CATELLANI, Patrizia, CONSOLE, Renzo et BONNEMAIN, Bruno, « Nicolas Lémery et ses fils Louis et Jacques à l’Académie royale des sciences (3e partie) », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 100 / 378, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2013, p. 261‑268. COLETTE CHARLOT et MARIE-SOPHIE GUIBERT, « Nicolas Lémery compagnon-apothicaire à Montpellier (1668-1671) », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 103 / 391, janvier 2016, p. 343-343‑352. DORVEAUX, Paul, « Apothicaires membres de l’Académie Royale des Sciences (suite) : VI. Nicolas Lémery », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 19 / 75, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 1931, p. 208‑219. LAFONT, Olivier, « Nicolas Lémery, providence des bibliophiles », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 96 / 363, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2009, p. 267‑276. « Les Apothicaires Rouennais, Histoire De La Corporation Du Moyen-âge à La Révolution par LARUELLE Ernest: état D’usage Broché (1920) De L’auteur ( envoi) | Librairie Le Cosmographe » [En ligne : https://www.abebooks.fr/signe/Apothicaires-Rouennais-Histoire-Corporation-Moyen-%C3%A2ge-R%C3%A9volution/30185425095/bd]. Consulté le1 septembre 2020. MAURICE BOUVET, « Les laboratoires parisiens de Nicolas Lémery », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 38 / 126, janvier 1950, p. 24-24‑30. OLIVIER LAFONT, « Nicolas Lémery, un savant pluridisciplinaire », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 103 / 391, janvier 2016, p. 329-329‑342. BERNARD JOLY, « À propos d’une querelle concernant la production artificielle du fer. Les divergences entre Nicolas Lémery et son fils Louis », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 103 / 391, janvier 2016, p. 375-375‑384. BOUGARD, Michel, La chimie de Nicolas Lemery, apothicaire et médecin (1645-1715), 1995, book p. BOUVET, Maurice et BONNEMAIN, Henri, « « Les secrets » d’Hémery, Emery… ou Nicolas Lémery (une énigme bibliographique) », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 49 / 171, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 1961, p. 187‑192. CÁNDIDO MANUEL GARCÍA CRUZ, « Nicolas Lémery (1645-1715) and his Physical-chemical Theory about Different Phenomena for Earth Sciences », Cuadernos Dieciochistas, vol. 16 / 0, juin 2016, p. 311-311‑337. ÉLISABETH MOTTE-FLORAC, « Les bouillons médicinaux dans les ouvrages de Nicolas Lémery, un reflet de l’évolution des sciences », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 103 / 391, janvier 2016, p. 359-359‑370. FAUQUE, Danielle, « De Nicolas Lemery à Adolphe Wurtz : Sur quelques ouvrages d’histoire de la chimie / From Nicolas Lemery to Adolphe Wurtz : On some works in the history of chemistry », Revue d’histoire des sciences, vol. 57 / 2, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2004, p. 493‑508. GREINER, Frank, « Le Verbe et l’alambic : l’alchimie, la chimie et leurs langages de Biaise de Vigenère à Nicolas Lemery », Littératures classiques, vol. 50 / 1, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2004, p. 349‑363. JEAN-DOMINIQUE BOURZAT, « Aspect mécanistique de la chimie chez Nicolas Lémery », Revue d’histoire de la pharmacie, vol. 103 / 391, janvier 2016, p. 353-353‑358. LAFONT, Olivier, « Nicolas Lémery et l’acidité », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 90 / 333, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 2002, p. 53‑62. SOUSA DIAS, José Pédro et ROCHA PITA, Joao Luis, « L’influence de la pharmacie et de la chimie françaises au Portugal au XVIIIe siècle : Nicolas Lémery », Revue d’Histoire de la Pharmacie, vol. 82 / 300, Persée – Portail des revues scientifiques en SHS, 1994, p. 84‑90.

La question de l’encre.

Nicolas Lémery définit les constituants de l’encre dans le Traité universel des drogues simples mises en ordre alphabétique, à l’entrée atramentum. Nous citons le texte selon la quatrième édition, publiée à Paris en 1732. La transcription ci-dessous conserve l’orthographe du texte originel, notamment en ce qui concerne la gestion des accents.

Atramentum , En François, Encre, est une espece de teinture ordinairement noire, mais quelquefois d’une autre couleur, comme rouge, verte, bleuë, jaune dont on se sert pour écrire avec la plume, ou pour imprimer sur le papier, il y en a de plusieurs especes.

L’encre commune dont on se sert pour écrire sur le papier blanc ou sur le parchemin est appellée Atramentum scriptorium, elle est faite avec de la noix de galle et du vitriol, on ajoute un peu de gomme arabique pour la rendre luisante, plus adhérente au papier, et de plus longue durée, car l’encre où il n’est point entré de gomme est plus aisée à s’effacer que cellee où il y en a. On prend par exemple, deux livres de noix de galle, on les concasse, et on les fait bouillir dans cinq ou six livres d’eau jusqu’à ce qu’elles soient amollies, et qu’il ne reste que deux livres ou deux livres et demie d’une décoction chargée, de couleur jaunâtre obscure. On la coule avec forte expression, et l’on y ajoute dix ou douze onces de vitriol vert ou blanc, et une once de gomme arabique concassée, on les laisse fondre sur un petit feu: le vitriol fait prendre en peu de tems à la liqueur une couleur noire et la fait encre, parce qu’apparamment l’Acide de ce vitriol ayant été affoibli par la substance sulfureuse et absorbante de la noix de galle, sa partie ferrugineuse et noire s’étend et se fait paroître dans la liqueur; on laisse reposer l’encre et on la separe de dessus les fèces, en la versant par inclination dans quelque vaisseau où l’on la garde.

Un grand nombre d’autres matieres vegetales astringentes pourroient servir à la place de la noix de galle pour faire de l’encre, telles sont le gland, le bois de chêne, le bois d’inde, les balaustes, l’écorce de grenade, le sumach, les roses rouges: plusieurs de ces matieres, à la verité, ne rendent pas ordinairement l’encre aussi teinte, ni aussi foncée que la noix de galle, mais elle en approche fort.

L’encre d’Imprimerie est appellée en Latin Atramentum librarium, elle est faite avec de la terebentine, de l’huile de noix ou du lin et du noir de fumée.

L’encre de la Chine nous est apportée en petits pains ou bâtons quarrez, longs, plats, durs, polis, noirs, luisans, legers, ayant ordinairement environ trois doigts de longueur, demi-pouce de largeur, et deux ou trois lignes d’épaisseur, marquez d’un côté et d’autre de quelques caracteres ou figures differentes. On dit qu’elle est composée de cole de poisson, de fiel de boeuf et de noir de fumée, mais cette composition n’est pas bien certaine; plusieurs croyent que c’est un secret que les Chinois se reservent pour eux et qu’ils n’ont point encore declaré aux Européens; on moule cette encre pendant qu’elle est encore liquide dans des petits moules de bois fort bien travaillez et on l’y laisse durcir; l’encre de la Chine la plus estimée est celle qu’on fait à Nankin, on orne quelquefois ces bâtons d’encre de quelques feuilles d’or après les avoir parfumez, mais ceux là demeurent presque tous au païs pour les grands Seigneurs, on n’en transporte gueres: on y imprime souvent la figure d’un dragon.

Les Chinois se servent de cette encre pour écrire après l’avoir dissoute dans quelque liqueur. elle est fort noire, luisante, et très commode; on employe en France celle qu’on y a apporté pour tracer des desseins d’Architecture.

L’encre rouge est faite avec de la rosette rouge délayée dans de l’eau.

L’encre jaune est faite avec de l’ocre jaune dissoute dans de l’eau.

Il est facile de faire de la même maniere des encres de differentes autres couleurs avec des matieres terreuses ou argileuses differemment colorées.

Toutes ces encres peuvent avoir des vertus medicinales suivant les natures des matieres qui y entrent. Nous savons par experience que l’encre commune est bonne pour la brûlure nouvellement faite, et pour arrêter le sang, étant appliquée sur le mal.